Inventai dunque una me stessa che voleva un'aggiunta al mondo J'inventai donc une autre moi-même qui voulait un ajout au monde
Anna Maria Ortese

Silvia Ricci Lempen, écrivaine, scrittrice

J’écris. J’ai écrit, j’écris, j’écrirai. Je raconte des histoires. Je me bagarre avec les idées. J’écrivais, je suis en train d’écrire, j’aurai écrit.
Scrivo. Ho scritto, scrivo, scriverò. Racconto storie. Mi accapiglio con le idee. Scrivevo, sto scrivendo, avrò scritto.

Vous avez dit libérées?

Humeur parue dans le Journal de Genève et Gazette de Lausanne le 4 juin 1994

En général, elles ne portent pas de soutien-gorge, d’ailleurs, franchement, ça se comprend: où trouveraient-elles des modèles adaptés à leurs mensurations plus bovines qu’humaines? Très prisé, le corsage échancré juste sous la ligne des bouts de seins, éventuellement assorti de chaussures à talons aiguille – tenue hyper-pratique, par exemple, pour échapper aux griffes d’un humanoïde pervers («Aarghh!») en courant sur le terrain accidenté d’une forêt hantée.

Que voulez-vous, c’est ça la libération des femmes. Pardon, de LA Femme (au singulier et avec un F majuscule), celle qui était avant maman ou putain et qui maintenant, grâce au progrès de sa condition, peut être les deux à la fois… En tout cas, c’est ce que dit le critique Jacques Sadoul dans la réédition de son livre «L’Enfer des bulles», consacré à l’érotisme dans la bande dessinée (la première version date des années soixante). S’étant débarrassée des «derniers tabous qui l’entravaient encore», écrit-il, la femme peut peut désormais apparaître partout dans la BD, «libre d’aimer comme bon lui semble, libre de montrer son corps si elle le désire, libérée enfin.»

Libérée, l’«Anita» de Crepax, qui se fait réduire à l’état de zombie sexuel par la télévision? Libérée, la journaliste engagée de Manara («Le Déclic 2») qu’un petit appareil suffit à transformer en une chatte en chaleur avide des pires humiliations? Libérées, les héroïnes de «Druuna» que Serpieri nous montre , complaisamment, ficelées comme des saucissons, fouettées, violées?

L’érotisme est l’un des ingrédients favoris des scénaristes et dessinateurs de BD, qui sont encore, de nos jours, très majoritairement masculins. Et pourquoi pas, après tout, nous ne sommes pas sur cette terre pour faire éternelle pénitence. Un Reiser ou un Binet («Les Bidochon») sont là pour prouver, avec leurs créations férocement hilarantes, qu’il n’est nullement incompatible avec le féminisme. Le hic, c’est qu’une bonne partie des BD qui y recourent – quelles que soient la beauté et l’originalité de leur graphisme – le traitent comme une réponse aux fantasmes les plus primaires de leurs lecteurs.