Inventai dunque una me stessa che voleva un'aggiunta al mondo J'inventai donc une autre moi-même qui voulait un ajout au monde
Anna Maria Ortese

Silvia Ricci Lempen, écrivaine, scrittrice

J’écris. J’ai écrit, j’écris, j’écrirai. Je raconte des histoires. Je me bagarre avec les idées. J’écrivais, je suis en train d’écrire, j’aurai écrit.
Scrivo. Ho scritto, scrivo, scriverò. Racconto storie. Mi accapiglio con le idee. Scrivevo, sto scrivendo, avrò scritto.

Le Sentier des Eléphants

L’Aire, 1996. Prix Schiller 1996

« On souffre beaucoup dans le nouveau livre de Silvia Ricci Lempen (…) On, c’est Alissa, figure torturée d’un suspense érotique assez fascinant: on a presque envie de se voiler la face quand cette pauvre femme, dans une ultime tentative d’harponner l’attention du libraire, ose, après des mois de macération, lui fixer au Buffet de la Gare un rendez-vous qui prend des allures de véritable quitte ou double (…). Silvia Ricci Lempen – journaliste et philosophe de formation – manie avec une grande habileté d’écriture l’art délicat de peindre une âme en ruine. Pour qui souffrir est aussi une manière de protester contre le dégoût tellement suisse de toute douleur, inculqué par les parents. »
Laurent Nicolet, Le Nouveau Quotidien, 25 avril 1996

« Ce roman est porté par une écriture remarquable qui sonne juste: discours direct et indirect s’entrecroisent, se tressent, faisant passer le lecteur de l’extérieur à l’intérieur; des décrochements affinent la pensée de l’auteur (…) La langue très personnelle est d’une très grande précision et les images poétiques font mieux comprendre la traversée d’Alissa et sa victoire sur elle-même. Tous ces éléments font de ce livre une réussite de haut niveau: c’est un livre qu’on dévore, qui nourrit et qu’on a envie de relire. »
Janine Massard, Le Passe-Muraille, n. 24, avril 1996

Extrait

Nausée de la douleur, toute cette nourriture, bouche de fiel, dents de pierre, concrétions de calcaire inutilement plantées dans sa mâchoire, poche dure de l’estomac, serrée d’un fil de fer. Dans la queue de la caisse elle se tient immobile, absente au frémissement des autres acheteurs qui évaluent le contenu des caddies alignés, lorgnent la file voisine, d’écoulement plus rapide, tentent parfois des manœuvres hardies de dépassement – mourir, je veux mourir, houle de la douleur

si je l’avais tenu une seule fois dans mes bras

le contact de son corps, de sa poitrine étroite calquée contre la mienne à travers les vêtements

sa poitrine champ de blé, vigne dense de grappes, la boucle de ses bras une seule fois refermée.

C’est son tour, elle dépose sur le tapis roulant les boîtes et les filets, marchandises inertes – ossements, cailloux, tessons, épaves de bateaux

de bateaux naufragés et la mer leur arrache, lambeau après lambeau, leurs membres disloqués, et le fond de la mer devient rouge de sang

cent quatre francs cinquante annonce la caissière
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